Sep 11, 2017

Les raisons secrètes du limogeage de Bruno Ben Moubamba




CONFERENCE DE PRESSE
Bruno BEN MOUBAMBA
11 septembre 2017
Mesdames et Messieurs,
La présente conférence de presse a pour objectif d’éclairer l’opinion sur les fondements de mon départ du second Gouvernement ISSOZET NGONDET. Merci aux journalistes, au public, aux sympathisants et aux militants de l’ACR qui ont honoré de leur présence cet exposé destiné à la presse.
Merci également au Chef de l’État, son Excellence Ali BONGO ONDIMBA qui, en nous invitant à prendre part au premier Gouvernement ISSOZET NGONDET, a marqué une volonté de réconcilier la Nation.
Depuis son élection contestée en 2009, le Président Ali Bongo Ondimba a démontré, à la grande stupeur du système en place depuis des décennies, qu’il voulait réellement mettre fin à certaines pratiques et développer le pays. Cela n’a pas été très visible de l’extérieur car le système en question s’est rebellé contre cette volonté de changement et a cherché à la bloquer par tous les moyens. Ainsi s’est mis en place jusqu’en 2016 un complot intérieur, avec des ramifications internationales, visant à déstabiliser l’État et ses institutions. Pendant que le pays n’était pas mis en chantier et que les populations souffraient, les comploteurs continuaient de vider les caisses de l’Etat dans le but de préparer l’« après Ali ». Mais attention, non pas un « après Ali » qui verrait le Gabon se développer et les gabonais s’enrichir, mais au contraire un « après Ali » qui leur permettrait de maintenir le système servant si bien leurs intérêts et leur enrichissement personnel. Certains de ces comploteurs sont toujours au gouvernement et au pouvoir. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, six ans avant la fin du second septennat certains veulent encore s’enrichir sur le dos de l’Etat, notamment sur celui du ministère de l’Habitat et du Ministère de l’Economie pour préparer encore une fois l’ « après Ali » et le maintien de leur « Système PDG », du nom du parti au pouvoir depuis 50 ans.
Pour contrer cette prise du pouvoir par des personnes qui ne cherchaient qu’à bloquer le pays à nouveau, et pour longtemps, quitte à faire couler le sang des gabonais pour leur intérêt personnel, j’ai décidé en mon âme et conscience, et contre l’opinion manipulée, de préférer la stabilité de l’Etat en soutenant l’Institution du Président de la République et en «prenant acte» des résultats contestés mais bel et bien proclamés par la Cour Constitutionnelle.
J’ai compris le 31 août 2016, lors des émeutes, que le chaos était proche et que lorsqu’on met à terre les Institutions d’un Etat, au premier rang desquelles les Institutions du Président de la République et de la Cour Constitutionnelle, comme en Somalie, en Lybie ou ailleurs, la destruction et la terreur s’installent puis il faut des décennies pour se relever. Tout cela pour maintenir le système ? Non. Trop de sang a déjà coulé à cause de ces gens et je rends hommage aux innocents qui ont sacrifié leur vie ou qui sont emprisonnés pour leur pays. Le bilan reste flou mais est déjà trop lourd, il aurait pu l’être bien davantage, ce que souhaitaient certains pour que le pays soit placé sous tutelle internationale et pour préserver le système.
Quelques semaines plus tard, il m’était proposé d’entrer au Gouvernement pour servir le pays avec les idées qui sont les miennes dans le cadre d’une alliance objective, toujours intacte aujourd’hui, entre le Chef de l’Etat et le Président de l’ACR que je suis. J’ai accepté car je savais que je pouvais aider les gabonais et que j’étais prêt pour cela. Cette nomination comme numéro deux du Gouvernement ne signifiait pas ma soumission au PDG, Parti Démocratique Gabonais, parti majoritaire à l’Assemblée nationale. Bien au contraire, je suis resté opposant au Système. Néanmoins, nous formions une opposition responsable, capable de reconnaître les actions gouvernementales positives comme de condamner les mauvaises.
Je ne suis pas entré au Gouvernement pour défendre un système vieux de 50 ans et qui a failli.
J’ai récupéré un ministère en ruine, qui avait été fermé en 2011 à cause de la corruption effrénée, sans budget d’investissement ni de fonctionnement, je l’ai remis en ordre et j’ai payé de ma propre poche la plupart des factures. J’ai réhabilité d’administration qui avait été annihilée pendant le premier septennat, car il n’y a pas d’Etat sans administration. J’ai déposé au Conseil d’Etat et au Conseil des Ministres de nombreux textes juridiques et signé un arrêté sur le « Nouvel Odre Urbanistique ». J’ai trouvé des dizaines de partenaires et d’investisseurs, trouvé des budgets pour mettre le pays en chantier dans le secteur de l’Habitat. D’ici quelques mois les gabonais verront tous nos projets sortir de terre sauf s’ils sont bloqués par ceux qui ignoreraient la continuité administrative ou qui reviendraient à la politique de corruption que j’avais interdite. J’ai résolu des conflits qui duraient depuis des années comme celui de YU8. J’ai relancé la base Daaco, tenté de discipliner la SNLS et la SNI. J’ai restauré l’autorité de l’Etat à Angondjé et à Bikélé. J’ai fait des propositions qui pourraient sortir le pays du naufrage économique et social et pour paraphraser Saint Paul : « j’ai combattu le bon combat et n’ai pas perdu la foi ». J’ai achevé ma course au ministère de l’Habitat mais les idées d’un homme ne meurent jamais. Le programme des 10 000 logements par an que j’ai annoncé était sur le point de commencer quand la circulaire « surprise » 14-49 du Premier Ministre a tout arrêté le 6 septembre 2017.
En effet, depuis ma nomination, j’ai déjoué et bloqué de nombreux trafics fonciers, empêchant certains de s’enrichir de façon démesurée au détriment de la Terre gabonaise. Il a donc été tenté, en vain, de me faire sortir du gouvernement lors du récent remaniement. Je n’ai du mon maintien qu’à la seule volonté du Président de la République. N’ayant pas pu se débarrasser du gêneur que je suis, le seul moyen de continuer le pillage foncier était donc de retirer au Ministre de l’Habitat sa capacité de protection de notre territoire national, ce qui n’a pas tardé : deux semaines après le remaniement.
La circulaire 14-49 retire la plupart des pouvoirs du Ministère de l’Habitat, de la Ville et de l’Urbanisme et les donne à un Ministre délégué dépendant directement du Premier Ministre. Le Ministère de l’Habitat devient donc une coquille quasi vide. Je précise ici que cette circulaire retire également des prérogatives liées aux affaires foncières au Ministère de l’Economie pour les remettre également à la Primature.
En l’absence de tout dialogue et de concertation avec le Premier Ministre qui ne m’a jamais reçu depuis un an pour une séance de travail, j’ai choisi de prendre mes responsabilités en contestant le management du Chef du Gouvernement afin de le pousser à me démettre et donc à se dévoiler publiquement.
Le Chef du gouvernement ISSOZET NGONDET m’a accusé de manquer de solidarité pour justifier mon départ du second gouvernement. Mais pour qu’il y ait solidarité il faut qu’il y ait débat et travail collectif sur les sujets qui concernent mon Ministère. Un gouvernement d’ouverture est une responsabilité réciproque au sein d’un groupe de personnes obligées les unes à l’égard des autres par rapport à des engagements politiques, pour faire avancer le pays. Le Chef du gouvernement a manqué à cette obligation vis-à-vis du Président de l’ACR que je suis.
Le Conseil interministériel et le Conseil des ministres sont effectivement les lieux de débats et de collaboration de l’action gouvernementale, mais lorsque le Premier ministre ISSOZET NGONDET agit autrement, en dehors de ces forums et du cadre administratif et règlementaire, en nous mettant devant le fait accompli du dépouillement de nos prérogatives ministérielles, où est la solidarité gouvernementale ?
Je vais maintenant m’excuser d’entrer dans une partie assez technique :
S’agissant du décret de nomination, en procédant au remaniement du Gouvernement, le Premier Ministre a transféré un certain nombre de compétences du ministère de l’habitat, à la Primature. Et pour formaliser ce transfert, il a pris de façon discrétionnaire, une note circulaire le 6 septembre 2017, par laquelle il indique clairement que le Ministre Délégué auprès du Premier Ministre assurerait dorénavant la tutelle de la plupart des services-clés du département dont nous avions la charge, qu’il aurait par ailleurs autorité sur les Direction Générale de l’Urbanisme et des Aménagements Fonciers (DGUAF) faisant partie intégrante des services placés sous mon autorité par le décret portant organisation et attribution du ministère de l’Habitat. Étant donné que la note circulaire numéro 1449/PMCG du 6 septembre 2017 est une violation flagrante de la législation en vigueur et que les bonnes pratiques gouvernementales n’ont pas été observées dans l’élaboration de ladite circulaire, nous sommes obligés de porter la question, en notre âme et conscience, devant l’opinion en nous exprimant par des voies accessibles à tous.
En effet, la circulaire du Premier Ministre datée du 6 septembre courant, rend sans objet la présence d’un Ministre titulaire en charge de ces questions.
Le problème à venir transparaissait déjà dans le décret numéro 252/PR du 21 août 2017 fixant la composition du Gouvernement. Ce décret affecte au Premier Ministre, un Ministre Délégué ayant la charge délibérément vague « des Affaires foncières et du domaine public ».
S’il est habituel de voir un Premier Ministre affublé d’un Ministre Délégué, il est étonnant qu’on confie à ce Ministre Délégué des compétences qui relèvent d’un Ministère existant et fonctionnel. Ce simple fait suggère que le Premier Ministre, plutôt que de diriger l’action du Gouvernement comme le veut l’article 29 de la Constitution, a décidé de s’arroger la direction du Ministère en charge de l’Habitat, de l’Urbanisme, du Cadastre et des Travaux Topographiques.
Or, il est bien connu dans les principes du droit administratif que le Premier Ministre ne dirige ni un super ministère ni un premier ministère comparable aux départements ministériels. S’il assure la coordination de l’action du Gouvernement en tant qu’institution collégiale, juridiquement, il n’est pas le supérieur hiérarchique des Ministres dès lors qu’il ne peut ni annuler leurs décisions ni se substituer à eux pour exercer leurs compétences.
Juridiquement, le Premier Ministre et les Ministres - en dépit des distinctions protocolaires et politiques - sont placés sur un pied d’égalité. En droit strict donc, l’autorité du Premier Ministre ne s’exerce que sur un certain nombre de services qui lui sont rattachés à l’exemple du Secrétariat Général du Gouvernement.
Le Premier Ministre ne peut donc se substituer à un autre membre du Gouvernement pour exercer ses prérogatives à sa place sans enfreindre les prescriptions de la légalité. Or, c’est ce qu’il fait en attribuant l’ensemble des compétences d’un Ministre à un Ministre Délégué qui lui est rattaché et auquel il attribue discrétionnairement des compétences qu’aucun texte autre que sa seule note circulaire ne lui reconnaît. Ce qui, autrement exprimé, signifie que c’est le Premier Ministre lui-même qui, sans le dire, sans l’expliciter, sans en avoir l’air, est le titulaire véritable dudit portefeuille.
Bien sûr, le Premier Ministre a des attributions administratives que lui reconnaissent la Constitution et le décret fixant ces dernières. Il en est de même des autres Ministres.
En l’occurrence, le décret numéro1496/PR/MHUEDD du 29 décembre 2011 qui porte attributions et organisation du Ministre responsable de l'Habitat, de l'Urbanisme et du Cadastre, est chargé de l'orientation, de la conception, du contrôle et de l'évaluation des politiques publiques. En tant que Ministre responsable de l’exécution de la politique du Gouvernement en matière d'habitat, de logement, d'urbanisme, d'aménagements fonciers, de travaux topographiques, de cadastre et de cartographie, en liaison avec les autres départements ministériels et les collectivités locales concernés, c’est à ce Ministre que revient la responsabilité de l’application des textes fixant :
- La composition du domaine de l’État et les règles qui en déterminent les modes de gestion et d’aliénation;
- Le régime de la propriété foncière;
- La concession d’aménagement foncier en République gabonaise;
- L’organisation et la gestion de toutes les administrations centrales qui en relèvent;
- L’organisation des Conservations des propriétés foncières et des hypothèques;
- La Cession et la location des terres domaniales, etc.
Ces matières sont considérées comme les moyens qui permettent au Ministre en charge de l’Habitat, de l’Urbanisme, du Cadastre et des travaux topographiques, de conduire les politiques publiques dont le Ministère a la charge. L’objectif étant de répartir les attributions entre quelques grandes unités homogènes aux compétences bien définies afin de favoriser la cohérence générale de l’organisation administrative de l’Etat.
Un tel aménagement organique des compétences a été fixé par décret délibéré en Conseil des Ministres, après avis du Conseil d’Etat. Si donc ces attributions doivent être réaménagées, elles ne peuvent l’être qu’au moyen d’un autre décret. Parallélisme des formes et compétences oblige, le Premier Ministre ne peut, méconnaissant le sens et la portée des dispositions normatives existantes, par le biais d’une simple mesure d’ordre intérieur à sa convenance qui n’affecte pas l’ordonnancement juridique, s’auto-attribuer ces matières sans commettre une erreur de Droit.
Un Ministre Délégué a vocation à exercer son office, sans être en concurrence, auprès du titulaire du portefeuille pour lequel il reçoit des compétences d’attributions. Si le décret portant attribution de compétences à un Ministre Délégué - et c’est un principe général de Droit - dispose que l’intéressé contresignera les décrets relevant des compétences qui lui sont attribuées par délégation, il reste que le contreseing d’un Ministre Délégué placé auprès d’un Ministre ne peut que s’ajouter à celui de ce Ministre, jamais s’y substituer. Qui plus est, l’omission du contreseing d’un Ministre Délégué placé auprès d’un Ministre n’entache pas d’illégalité un décret contresigné par ce Ministre.
C’est pour toutes ces raisons que j’ai poussé le Premier Ministre à mettre fin à mes fonctions de Ministre d’État.
CONCLUSION :
Mon alliance objective avec le Président est intacte, en tout cas de mon point de vue. La présence des adversaires du développement du Gabon et donc du Chef de l’État dans tous les bords politiques et certains plus proches encore, dans les cercles de pouvoir est forte, avec pour seul objectif, ne vous y trompez pas, le maintien du Système qui détruit le pays depuis 50 ans.
Je veux pour mon pays, et comme quelques autres autour du Chef de l’Etat, le progrès du Gabon, notamment par une réelle égalité des chances, en réalité rejetée par les acteurs du système, qu’ils soient d’une certaine opposition ou du côté du pouvoir puisqu’ils font toujours la promotion de leurs et de leurs prérogatives avant tout.
Parce qu’une Nation ne traverse que des épreuves, elle doit être animée par des acteurs politiques qui sont capables de supporter les épreuves.
C’est ce que je fais depuis mon entrée en politique lors la publication de ma lettre ouverte en décembre 2008 et jusqu’à mon limogeage du Gouvernement, en passant par la grève de la faim de 2009 qui est ma signature politique, les difficultés à l’Union Nationale et à l’UPG, les dangers mortels vécus à Ndendé et demain sans doute à Moabi ou lors de mon expulsion manu-militari du siège de l’UPG en 2015.
J’appelle le pays à supporter les épreuves avec un esprit de sacrifice quotidien pour la Nation. Et j’appelle plus encore les sacrificateurs à ranger leurs armes pour le bien du Peuple Gabonais.
Je vais continuer à me battre pour le Peuple Gabonais, préparer ma candidature aux législatives et assumer un leadership politique de la Province de la Nyanga. Mes ambitions nationales restent intactes et je servirai toujours la République là ou la Providence m’enverra.
Dieu bénisse le Gabon,
Je vous remercie,
Bruno BEN MOUBAMBA

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